Connaissez-vous la légende de Pyrène ? C'est l'explication que l'on raconte dans les chaumières, le soir, à la veillée, pour expliquer la naissance des Pyrénées :
Rien n'est plus agréable que le début de l'été, l'air y est frais et les orages encore lointains, les forêts sont profondes et secrètes et les torrents plus vifs.
Pyrène, une jolie jeune fille blonde, était assise sur le seuil de sa maison et filait paisiblement sa quenouille. Elle rêvait comme toutes les autres jeunes filles de son âge. Son rêve avait en cet instant la forme d'un jeune homme aux traits doux, à l'air hardi.
- Où es-tu donc ? murmurait-elle.
Mais il n'y avait que les animaux de la basse-cour et ses parents pour l'entendre.
- Tu ne dois pas parler, toute seule, lui dit son père, d'un air bougon, car cela attire certains esprits.
Pyrène aurait voulu sourire, c'était justement ce qu'elle désirait. Mais elle n'en eut pas le temps, elle poussa un cri de surprise:
Soudain apparut devant elle, un beau jeune homme, aux traits doux et hardis, à la fois, au regard vif et aux abondants cheveux bruns. Elle lui demanda :
- Qui es-tu ? murmura Pyrène
- Je suis Hercule, dit l'homme
- Hercule...
Mais elle ne put en dire plus...
Son père venait d'apparaitre et restait debout, le regard froncé, sur le seuil de la porte, observant cet étranger, en train de discuter avec sa fille.
- Bonsoir, je ne fais que passer, lui dit Hercule, j'ai très soif. Je suis allé capturer les boeufs à cornes d'or et je retourne, ensuite, chez moi.
Pyrène lui versa à boire puis écouta le jeune homme parler. Il avait beaucoup voyagé et revenait, tout simplement, du bout du monde. Il marchait depuis longtemps en direction de l'Est où était son Pays.
Admirative, sous le charme de ce beau garçon, Pyrène regardait Hercule, avec des yeux brillants. Le jeune homme comprit ce langage secret et revint à la nuit tombante près de la maison, là, les jeunes gens se parlèrent plus longuement encore et à voix basse.
- J'aimerai tant que tu restes ici, dit Pyrène, et que tu deviennes berger. Nous aurions le plus beau troupeau du Pays.
- Oui, répondit sincèrement Hercule, le soir, tu entendras mon appel quand je regrouperai le troupeau, tu sauras alors que je ne tarderai plus.
Elle se voyait filant la laine sous le vieil ormeau ou auprès de la fontaine. Hercule se voyait devenu un berger veillant sur ses moutons et les protégeant des ours et des loups.
Tout l'été, ils se rencontrèrent dans les endroits les plus secrets de la forêt. Parfois, quand il faisait trop chaud, ils allaient se baigner dans le torrent. Nul ne connaissait leur amour, tant ils se satisfaisaient de leurs longues et tendres rencontres.
Hercule n'allait plus sur les chemins et Pyrène revenait chaque soir avec des paniers remplis de fraises, de mûres ou de myrtilles. Ils étaient heureux. Leur amour leur suffisait. Mais le temps de ces amours allait prendre fin, les orages de plus en plus violents annonçaient l'automne.
- J'irai trouver tes parents, pour lui demander ta main, dit Hercule, et je t'épouserai !
L'automne arriva et, avec lui, le dernier jour passé dans la forêt. Hercule attendait Pyrène assis sur un rocher et respirant les mille odeurs d'herbe et de feuilles, elle n'allait pas tarder; ils sortiraient ensuite de la forêt pour rejoindre le village. Hercule était heureux, lui qui n'avait été qu'un vagabond, allait désormais se poser dans ce pays qui lui plaisait beaucoup.
Soudain, Hercule entendit dans le ciel l'appel des oies sauvages. Il reconnut aussitôt leurs cris profonds et comprit qu'elles retournaient vers son pays. En lui tout se bouleversa.
C'est un présage, se dit-il, il faut que je parte, que je reprenne ma route, moi-aussi !
Il se leva alors et partit aussitôt vers l'Est, possédé par la migration. Il courut d'abord, puis marcha très vite, s'éloignant rapidement de la forêt et de Pyrène.
Comme chaque jour, Pyrène, joyeuse, le coeur léger, alla près des rochers pour y retrouver Hercule. Elle était aujourd'hui encore plus heureuse, car elle allait lui annoncer qu'elle attendait un enfant.
Arrivée, elle appela Hercule mais, ce jour-là, personne ne lui répondit. Même les oiseaux restaient silence autour d'elle. Alors, effondrée, elle comprit tout : Hercule était parti.
Une terrible tristesse s'abattit sur la jeune fille. Sans hésiter elle courut vers l'est, à perdre haleine, traversant les fourrés de ronces, grimpant aux flancs arides des collines, pataugeant dans les étangs, ne s'arrêtant que pour boire et pour pleurer. Quand elle comprit qu'elle ne rattraperait jamais Hercule, elle se coucha sur l'herbe et poussa un immense cri de tristesse. Alors les loups affamés arrivèrent de toutes parts. Pyrène lutta quelque temps, espérant encore que Hercule vienne la sauver. Mais il n'y avait plus d'espoir, elle lâcha alors son bâton, poussant un cri encore plus fort que les autres et les loups se jetèrent sur elle.
Hercule au loin perçut ce cri. Comprenant que Pyrène était en danger, il fît immédiatement demi-tour, courant le plus vite qu'il put. Mais lorsqu'il arriva, il n'y avait plus sur le sol que quelques os blanchis. Fou de douleur il s'attaqua aux rochers, les remua et les jeta sur les loups qui s'enfuyaient. Ensuite il déposa les restes de la jeune fille sur une literie de fleurs et de feuilles. Puis il empila de gros blocs de pierre en guise de tombeau.
Tant que dura sa tristesse, il amassa ainsi de nombreux rochers créant une haute montagne, que l'on nomme depuis les Pyrénées.
Avant de s'en retourner chez lui, il y mit le feu, brulant tous ces souvenirs où il avait été si heureux. Les forêts, les bois et les prairies brûlèrent pendant de longs mois.
C'est ainsi que naquit la légende de Pyrène...
Mis à jour le 24.11.2023
Marie51
Retour